Sortie de l'Alsace du Grand Est : comment le président de la CEA, Frédéric Bierry, peut-il organiser un référendum ?

Le président sortant de la Collectivité européenne d'Alsace, Frédéric Bierry réélu ce dimanche 27 juin a annoncé vouloir consulter les Alsaciens au sujet de la sortie de l'Alsace du Grand Est. Comment compte-t-il procéder? Quelle valeur juridique pourrait avoir cette consultation?

"Je veux une expression claire et nette des Alsaciens", le président de la CEA, réélu à sa succession, Frédéric Bierry (LR) l'avait déjà évoqué durant la campagne des départementales. Il l'a confirmé, dimanche 27 juin à l'issue du second tour des élections départementales, sur le plateau de France 3 Alsace : "Je souhaite interroger les Alsaciens. Je proposerai à mes collègues élus à la CEA, d'organiser une grande consultation adressée à l'ensemble de la population pour qu'une expression puisse émerger". Dans les grandes lignes, le président Bierry demandera aux habitants de la CEA s'ils sont pour ou contre la sortie de l'Alsace du Grand Est. 

Cette consultation pourrait avoir lieu à l'automne. "Il faudrait avoir cet élément de réponse avant l'élection présidentielle. Et si la réponse est franche, cela nous permettra d'agir auprès des candidats. Et de poursuivre "il y a une fenêtre de tir à saisir pour qu'il y ait une évolution institutionnelle qui puisse aboutir". Car si la CEA a déjà obtenu des compétences élargies, le président Bierry en veut davantage. Il demande notamment des transferts de compétences de la région vers le département concernant l'économie ou encore les transports.

 

Une consultation, sous quelle forme?

 

Sur le plan juridique, un référendum en tant que tel, "c'est quelque chose de totalement impossible" explique Arnaud Duranthon, maître de conférences en droit public à Sciences Po Strasbourg. Et de poursuivre "il y a deux manières d'organiser un référendum en droit français sur ce type de problématique. Un référendum consultatif issu de la loi de 1992 et l'autre décisionnel suite à la révision constitutionnelle de 2003 mais dans les deux cas, l'affaire doit relever des compétences de la collectivité en question." Or ici, la décision de sortie de l'Alsace du Grand Est n'appartient pas à la Collectivité européenne d'Alsace. Un tel référendum serait donc impossible à organiser.

 

Le droit français cherche à éviter que les collectivités entrent dans des dynamiques quasi sécessionnistes

Arnaud Duranthon, Maître de conférences à Sciences Po Strasbourg

 

"D'ailleurs le juge administratif est extrêmement vigilant à ce que ce genre de référendum ne puisse pas être organisé. Pour éviter aux collectivités locales de peser sur des enjeux nationaux, ou encore d'entrer dans des dynamiques quasi sécessionnistes." La France est un Etat unitaire, où seul le législateur est en mesure de faire évoluer le périmètre et les compétences des collectivités territoriales.

Il y a bien eu en 2013, souvenez-vous, une consultation des électeurs alsaciens sur le périmètre régional. Un référendum préalable à la création d'une collectivité à statut particulier qui avait vocation à réunir les deux départements, Haut-Rhin et Bas-Rhin ainsi que la région Alsace pour former une seule et même collectivité aux compétences de la région et du département. Une consultation qui se basait sur  l’article L4124-1 introduit par la loi du 16 décembre 2010. Les électeurs y avaient répondu par la négative et la fusion n'a pas été mise en œuvre. " On est ici sur quelque chose de très loin, à la fois dans la destination et dans la manière de procéder de ce qui est proposé aujourd'hui par Frédéric Bierry."

 

Une consultation informelle, sur internet ?

 

Frédéric Bierry peut toujours organiser une consultation dite "informelle". Sur internet par exemple. Comme il y en a eu fin 2020 au sujet des logos des plaques minéralogiques des véhicules immatriculés dans la nouvelle CEA.  "Pour autant concernant notre sujet, elle n'aura pas la moindre valeur sur le plan décisionnel. La démocratie s'exerce en France au sein de procédures qui sont prévues par le droit. En dehors de cela, toute consultation peut avoir une valeur indicative, d'orientation mais nous n'avons aucune maîtrise du périmètre de ceux qui s'expriment, de la question posée et aucun contrôle des personnes qui donnent leur avis. On comprend bien la logique, qui consiste à garder le rapport de force sur la question de la place de l'Alsace au sein de la grande région. D'autant qu'on a vu, au sommet de l'Etat quelques hésitations." Avec en particulier, le discours du Premier ministre Jean Castex devant l’assemblée de la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace le 23 janvier 2021 à Colmar, qui a rappelé ses doutes face à la création des "immenses régions".

Il n'y a pas d'évolution institutionnelle envisagée

Jean Rottner, président du Grand Est

 

La CEA qui bouscule une nouvelle fois le Grand Est ? 

 

Concerné également, le président du Grand Est réélu ce 27 juin à la tête de la grande région. Jean Rottner, Alsacien comme Frédéric Bierry et issu de la même famille politique Les Républicains, répond à l'intéressé sur le plateau de France 3 Alsace : "A l'heure actuelle, pour moi et d'ailleurs le président Macron l'a réaffirmé récemment, il n'y a pas d'évolution institutionnelle envisagée". Et de poursuivre, "ça ne m'étonne pas de Frédéric Bierry, il n'a jamais changé d'opinion sur la question. Mais il devra le faire dans un cadre régional. Pour ma part, l'Alsace ne concentre pas l'ensemble de mes préoccupations. Je me soucie de neuf départements, les neuf départements du Grand Est." 

La question de l'Alsace dans le Grand Est qui décidément n'en finit toujours pas d'être soulevée, de diviser, et ce même après les dernières échéances électorales. Certains prépareraient-ils le deuxième round? L'élection présidentielle et les élections législatives de 2022. Car même si le cas Alsace ne sera pas forcément au coeur des préoccupations des différents candidats, la question de la réforme territoriale et des dimensions des régions pourrait s'inviter dans la campagne nationale. D'autant "que le taux d'abstention particulièrement élevé des élections régionales peut s'expliquer par un désintéressement des électeurs à ces structures qui leur sont encore floues et éloignées" précise Arnaud Duranthon.

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